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Ayrton Senna, triple Champion du monde de Formule 1, a essayé une Penske de série CART/IndyCar aux États-Unis à la mi-décembre 1992.
Ayrton Senna, pilote McLaren en Formule 1, n’avait
pu faire mieux que de remporter trois victoires en 1992 pour se classer
quatrième au championnat. Nigel Mansell, avec ses neuf victoires, avait
facilement décroché le titre aux commandes de sa redoutable Williams FW14B
dotée de toutes les aides électroniques au pilotage, et cette domination avait
fortement déplu à Senna. Le Brésilien voulait à tout prix se battre à armes
égales, ce qu’il voyait être impossible à faire en F1...
Son contrat avec McLaren étant échu, Senna a alors
commencé à regarder vers la série CART/IndyCar, d’autant que son idole, Emerson
Fittipaldi, pilote de l’écurie Penske, en était l’une des grandes vedettes. Les
équipes McLaren et Penske étant toutes les deux commanditées par Philip Morris
via la marque Marlboro, un accord fut vite conclu afin de permettre à Senna
d’effectuer un essai à bord d’une Penske en décembre 1992. Cet essai permettait
aussi au Brésilien de mettre une pression intense sur Ron Dennis, le patron de
l’écurie McLaren F1, afin de renouveler son contrat.
L’écurie Penske avait prévu effectuer le déverminage de sa PC22-Chevrolet, sa nouvelle voiture pour la saison 1993, sur le petit circuit de Firebird situé en plein désert au sud de Phoenix en Arizona. L’équipe en a profité pour amener la PC21-04, une voiture de la saison terminée, afin de la confier à Senna sous la direction de l’ingénieur britannique Nigel Beresford, un ancien de l’écurie de F1 Tyrrell qui connaissait Senna pour l’avoir côtoyé dans les paddocks. Beresford est un ami à moi de longue date et il a bien voulu me raconter comment s’était déroulé cette journée fort spéciale en plus de me transmettre les "run sheets" ; les notes de l’essai avec tous les chronos inscrits.
Emerson Fittipaldi, présent pour faire rouler la
nouvelle PC22, a d’abord effectué deux séries de tours à bord de la PC21.
“Emmo” s’est immédiatement plaint de la piste sale qui était très glissante,
mais a signé son meilleur temps en 49”70.
Vers midi trente, Ayrton Senna, s’est glissé dans
l’étroit cockpit de la Penske !
Le moteur V8 turbo est démarré et Senna prend la
piste sous les yeux de Fittipaldi, de Paul Tracy, de Nigel Bennett (le
concepteur de la voiture) et de Rick Mears. Senna effectue six tours et les
temps sont à dix secondes de celui fixé par “Emmo”. Senna est prudent, car il
ne connaît ni le circuit, ni la voiture, ni le moteur, ni les pneus.
« Ayrton a dû se réhabituer à manipuler un levier
de vitesses » nous raconte Beresford. « Le son du moteur lui était totalement
étranger et puisque le tableau de bord n’indiquait pas le rapport enclenché,
Ayrton n’avait aucune idée de la vitesse utilisée. À quelques reprises, il
s’est complètement immobilisé sur la piste afin de remettre la première
vitesse, reprendre ses repères, et repartir. »
Après un arrêt aux puits, Senna retourne la piste
et effectue une série de 10 tours. Il brise la barre des 50 secondes au tour à
deux reprises. « Il m’a dit que le moteur était réactif, souple et qu’il
poussait bien. Il trouvait la voiture un peu paresseuse ; pas aussi nerveuse
qu’une F1, mais assez bonne dans les virages rapides, car elle était plus
stable qu’une F1 » ajoute Beresford.
Afin d’améliorer un peu le comportement de la
voiture, l’ingénieur décide de faire changer les ressorts arrière, d’ajouter de
l’appui à l’aileron avant et de déconnecter la barre antiroulis arrière, mais
ne fait pas changer les pneus. Senna repart ensuite pour une dernière série de
12 tours et signe son meilleur chrono en 49”09.
« Il m’a dit sentir que les pneus perdaient
probablement de leur efficacité. Il a ajouté qu’il devait bien s’appuyer sur le
pneu arrière extérieur en entrée de virage. Malgré le peu de tours qu’il venait
d’effectuer, il avait déjà bien cerné le fonctionnement de la voiture. Ayrton a
réalisé une performance étonnante. Pour moi, cela prouve qu’il était capable de
s'adapter extrêmement vite à un tout nouvel environnement. Puis il m'a dit
‘Merci beaucoup. J'ai appris ce que je voulais savoir’. Et il a quitté le
circuit » raconte Beresford qui fut marqué par cette rencontre et cette séance
de travail vraiment peu ordinaire.
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