7 juil. 2024

JAUSSAUD 2 X 24

PAPJAUSSAUD

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Le stress des dernières heures

L’équipage Jaussaud-Pironi est passé en tête des 24 Heures le dimanche matin, après la défaillance d’une autre Alpine-Renault. Et paradoxalement, ce leadership a été un moment stressant pour le pilote normand. “Là on devient attentif au moindre détail. J’écoutais tout, le moindre bruit suspect du moteur, de la boîte. Je trouvais que les vitesses étaient dures à passer. J’avais en tête le scénario de 1977 : quatre Alpine-Renault au départ mais aucune à l’arrivée ! Elles avaient toutes cassées”. Mais cette fois la mécanique va tenir jusqu’au drapeau à damier, l’équipage s’imposera après 369 tours, soit plus de 5000 kilomètres établissant à l'époque un nouveau record de distance. L'A 442 était un monstre de puissance, avec une vitesse de pointe  362 km/h  pendant la course.

Jean-Pierre Jaussaud, spectateur du dernier relais effectué par Didier Pironi, constatera une fois l’arrivée franchie que l’A442 avait été en sursis pendant les derniers tours : “Si j’avais su que Didier était aussi fatigué jamais je ne lui aurais laissé le volant, jamais ! Il _aurait pu s’évanouïr en piste__, c’était très dangereux !” se remémore le Normand, qui lui a bien tenu le choc physiquement :“J’ai pris douze repas pendant la course, pour prendre soin de moi et parce qu’on mange bien au Mans_” glisse-t-il malicieusement. 

L’émotion du podium

Didier Pironi, totalement déshydraté par une température de 60 degrés dans le cockpit, n’a fait qu’une courte apparition sur le podium. Jean-Pierre Jaussaud s’est donc retrouvé seul face à l’immense foule au moment de la Marseillaise. Un moment inoubliable : “La Marseillaise me donne toujours des frissons, mais là c’était plus fort que tout. _J’ai essayé de chanter mais impossible parce que je pleurais__. Voyant ça le public s’est mis à applaudir et je pleurais encore plus !_” se souvient-il, avec toujours de l’émotion dans la voix quarante ans après cette inoubliable cérémonie. 

Jean-Pierre Jaussaud retrouvera un Didier Pironi d’aplomb le lendemain pour une parade sur les Champs-Elysées, au milieu de la circulation. “Rien n’était prévu ! C’était improvisé mais on a bien rigolé !” s’amuse-t-il à l’évocation de ce souvenir. 

Le Normand gagnera une nouvelle fois les 24 Heures deux ans plus tard. Une victoire totalement différente, avec Jean Rondeau, le pilote-constructeur manceau. Le succès d’une bande de copains, à l'opposé des moyens d’une écurie usine. “Aujourd’hui ce ne serait plus possible, les écuries d’usines ont trop de moyens. Nous avons quand même battu Porsche et Jacky Ickx” précise le lauréat des 24 Heures 1980.

JAUSSAUD 2

Le circuit de la peur

Il ne reste plus que trois heures de course, lorsque Jean Rondeau relais Jaussaud au volant de la n° 16. Reparti de son stand avec des pneus slicks, Rondeau est surpris par une nouvelle averse aussi violent qu'imprévue et part en glissade dans la montée de la courbe Dunlop. Moteur coupé face aux rail de sécurité, la voiture noire semble échouée sur une grève balayée par la tempête. Dans le cockpit, Rondeau hurle de rage et de désespoir. Il actionne le démarreur, le Ford Cosworth, toussote, sursaute mais reste muet. Le rêve tourne au cauchemar et encore, dans son malheur, il n'a pas vu qu'il a bien failli être heurté par la Porsche de Joest partie en aquaplaning au même endroit ! Et puis soudain, le son rauque du V8 emplie l'habitacle. Il repart lentement, mais tétanisé par cet incident, ivre de fatigue et vidé nerveusement, il ne trouve plus ses trajectoires. Rondeau perd plus de 10 secondes au tour et Ickx a flairé le "bon coup". En dépit d'une boîte toujours aussi rétive, la Porsche est revenue à moins de deux tours de la Rondeau et à deux heures de l'arrivée, le suspense reste entier. Plus solide et plus expérimenté, Jean-Pierre Jaussaud assure alors les deux derniers relais et stabilise rapidement l'écart avec la Porsche. La tension redevient supportable dans le stand Rondeau, mais rien n'est joué. Peu après 15 heures, une nouvelle averse inonde le circuit. Ickx rentre immédiatement pour monter des pneus pluie, mais Jaussaud décide de poursuivre avec ses slicks. Il évite la catastrophe de justesse lorsque la voiture part en tête à queue au ras des glissières de sécurité. Il évite le contact et à la troisième sollicitation le Cosworth redémarre enfin ! Jaussaud repart et le ciel lui donne raison. La piste s'assèche aussi vite qu'elle s'est détrempée et Ickx doit effectuer un nouveau changement de pneumatiques. La dernière heure de course est interminable, mais la victoire se dessine enfin pour la voiture française qui franchit la ligne d'arrivée au milieu d'une véritable marée humaine.

 

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