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Le stress des dernières heures
L’équipage
Jaussaud-Pironi est passé en tête des 24 Heures le
dimanche matin, après la défaillance d’une autre Alpine-Renault. Et
paradoxalement, ce leadership a été un moment stressant pour le pilote normand.
“Là on devient attentif au
moindre détail. J’écoutais tout, le moindre bruit suspect du moteur, de la
boîte. Je trouvais que les vitesses étaient dures à passer. J’avais en tête le
scénario de 1977 : quatre Alpine-Renault au départ mais aucune à l’arrivée
! Elles avaient toutes cassées”. Mais cette fois la mécanique va
tenir jusqu’au drapeau à damier, l’équipage s’imposera après 369 tours, soit plus de
5000 kilomètres établissant à l'époque un nouveau record
de distance. L'A 442 était un monstre de puissance, avec une vitesse de pointe
362 km/h pendant la course.
Jean-Pierre Jaussaud, spectateur du
dernier relais effectué par Didier
Pironi, constatera une fois l’arrivée franchie que l’A442
avait été en sursis pendant les derniers tours : “Si j’avais su que Didier était aussi
fatigué jamais je ne lui aurais laissé le volant, jamais ! Il _aurait pu s’évanouïr en piste__,
c’était très dangereux !” se
remémore le Normand, qui lui a bien tenu le choc physiquement :“J’ai
pris douze repas pendant la course, pour prendre soin de moi et parce qu’on
mange bien au Mans_” glisse-t-il malicieusement.
L’émotion du podium
Didier Pironi, totalement déshydraté par
une température de 60 degrés dans le cockpit, n’a fait qu’une courte apparition
sur le podium. Jean-Pierre Jaussaud s’est donc retrouvé seul face à l’immense
foule au moment de la Marseillaise. Un moment inoubliable : “La Marseillaise me donne toujours des
frissons, mais là c’était plus fort que tout. _J’ai essayé de chanter mais impossible
parce que je pleurais__. Voyant ça le public s’est mis à
applaudir et je pleurais encore plus !_” se souvient-il, avec toujours de
l’émotion dans la voix quarante ans après cette inoubliable cérémonie.
Jean-Pierre Jaussaud retrouvera un Didier
Pironi d’aplomb le lendemain pour une
parade sur les Champs-Elysées, au milieu de la circulation. “Rien n’était prévu ! C’était improvisé
mais on a bien rigolé !” s’amuse-t-il à l’évocation de ce
souvenir.
Le Normand gagnera une nouvelle fois les
24 Heures deux ans plus tard. Une victoire totalement différente, avec Jean Rondeau, le pilote-constructeur
manceau. Le succès d’une bande de copains, à l'opposé des
moyens d’une écurie usine. “Aujourd’hui
ce ne serait plus possible, les écuries d’usines ont trop de moyens. Nous avons
quand même battu Porsche et Jacky Ickx” précise le lauréat des 24
Heures 1980.
Le
circuit de la peur
Il ne reste plus que trois heures
de course, lorsque Jean Rondeau relais Jaussaud au volant de la n° 16. Reparti
de son stand avec des pneus slicks, Rondeau est surpris par une nouvelle averse
aussi violent qu'imprévue et part en glissade dans la montée de la courbe
Dunlop. Moteur coupé face aux rail de sécurité, la voiture noire semble échouée
sur une grève balayée par la tempête. Dans le cockpit, Rondeau hurle de rage et
de désespoir. Il actionne le démarreur, le Ford Cosworth, toussote, sursaute
mais reste muet. Le rêve tourne au cauchemar et encore, dans son malheur, il
n'a pas vu qu'il a bien failli être heurté par la Porsche de Joest partie en
aquaplaning au même endroit ! Et puis soudain, le son rauque du V8 emplie
l'habitacle. Il repart lentement, mais tétanisé par cet incident, ivre de
fatigue et vidé nerveusement, il ne trouve plus ses trajectoires. Rondeau perd
plus de 10 secondes au tour et Ickx a flairé le "bon coup". En dépit
d'une boîte toujours aussi rétive, la Porsche est revenue à moins de deux tours
de la Rondeau et à deux heures de l'arrivée, le suspense reste entier. Plus
solide et plus expérimenté, Jean-Pierre Jaussaud assure alors les deux derniers
relais et stabilise rapidement l'écart avec la Porsche. La tension redevient
supportable dans le stand Rondeau, mais rien n'est joué. Peu après 15 heures,
une nouvelle averse inonde le circuit. Ickx rentre immédiatement pour monter
des pneus pluie, mais Jaussaud décide de poursuivre avec ses slicks. Il évite
la catastrophe de justesse lorsque la voiture part en tête à queue au ras des
glissières de sécurité. Il évite le contact et à la troisième sollicitation le
Cosworth redémarre enfin ! Jaussaud repart et le ciel lui donne raison. La
piste s'assèche aussi vite qu'elle s'est détrempée et Ickx doit effectuer un
nouveau changement de pneumatiques. La dernière heure de course est
interminable, mais la victoire se dessine enfin pour la voiture française qui
franchit la ligne d'arrivée au milieu d'une véritable marée humaine.
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