« En 1966, je suis 3ème pilote F3 chez Matra.
L’une des caractéristiques de Lagardère, c’est qu’il embauchait les bons pilotes de la concurrence pour ne pas avoir à les battre.
On se battait comme des chiffonniers contre Servoz-Gavin donc on l’embauche. On se battait contre Webber donc on l’embauche. Résultat, on était toujours en surnombre dans l’équipe.
En 1965, je suis pilote de réserve et je conduis quasiment jamais. Je fais le coursier pour l’équipe, je passe le balais mais j’ai jamais de volant.
En 1966, je suis encore derrière Jaussaud et Servoz mais on me trouve quand même une voiture pour faire le GP de Pau. C’est super parce que Pau, c’est quand même une course fabuleuse !
Evidemment, un peu trop optimiste, je décide d’aller rendre visite au Général Foch. Je me pose en haut de sa statue. Résultat, la monocoque est pliée.
Or il y avait une course à Montlhéry la semaine suivante. Là, Jean-Luc Lagardère vient me voir et me dit : “personne ne réparera votre voiture. Les mécanos doivent déjà préparer les deux autres voitures, ils ne toucheront pas à la votre. Si vous voulez courir à Montlhéry, vous vous débrouillez seul !”
Donc je prends le break ID de Matra, je mets la F3 sur la remorque et je conduis toute la nuit vers Vélizy.
Il fallait que je déshabille totalement l’auto pour la faire réparer. Donc je me mets au boulot. Je travaille le jour, la nuit, je la mets à nu. J’emmène la coque chez Bréguet ou les gars acceptent de la réparer. Je la ramène à Vélizy, j’attaque le remontage.
Les mécanos étaient embêtés de ne pas pouvoir m’aider mais ils me conseillaient à distance. Après avoir assemblé les porte-moyeux, je fais tourner et ça bloque. J’avais oublié de remettre des cales… Bref, en bossant sans cesse, je parviens à remonter ma voiture juste à temps pour les essais du samedi à Montlhéry.
Et là, grève aux « Engins Matra ». Or Matra Sports faisait partie de cette branche. Donc, là, un vieux syndicaliste revendicatif vient me voir et me dis : « écoute, c’est la grève chez Matra. Tu ne sortiras pas la voiture d’ici ! »Je le regarde droit dans les yeux et je lui dis : « Ecoute moi bien. J’ai reconstruit cette voiture tout seul en bossant jour et nuit. Personne ne m’a donné le moindre coup de main. Donc demain matin je viendrai la chercher. Et j’aurai mon fusil de chasse. Si tu te mets en travers de mon chemin, je te flingue ! Personne ne m’empêchera de sortir la voiture d’ici ! »
Le lendemain matin, il n’y avait personne… Je crois qu’il avait compris que le petit jeune ne plaisantait pas ! » « Autant, j’étais timide lorsqu’il s’agissait de pousser la porte du bureau de Jean-Luc Lagardère, contrairement à Beltoise, par exemple, autant, derrière le volant, j’étais un tueur.
Un exemple à Montlhéry toujours en 1966, j’étais toujours troisième pilote Matra et je me bagarre avec Roby Weber qui était encore pilote Alpine. On sort du virage du Faye en même temps et on se dirige cote à cote vers la chicane Nord. Cette chicane est bordée de deux rangées de bottes de paille et on passe au milieu. Mais c’est un vrai mur de paille. Il est évident qu’on ne va pas passer à deux. Il faut donc que l’un des deux freine le premier.
Bien évidemment, ce n’est pas moi… Je passe comme je peux, en catastrophe. Roby percute le mur de paille et reste là. Après la course, il commence à faire courir le bruit dans tout le paddock que je l’ai sorti et qu’il va venir me casser la figure. Tout le monde me le disait. Il va venir te casser la g…. ! Je leur répondais : “Oui, oui, dites lui que je suis sous la structure Matra et que je l’attends !
Il en fallait vraiment beaucoup pour me faire peur. Il n’est jamais venu… » Restons chez Matra mais avançons de quelques années et partons à la rencontre de Dame Chance. « En 1973, on gagnait tout avec Gérard Larousse. A Imola cependant, on connaissait quelques difficultés avec le démarreur lors de chaque arrêt aux stands. Pour le dernier relais, je m’installe au volant. Les mécanos finissent le ravitaillement, j’actionne le démarreur et le V12 peine à se relancer. J’essaie plusieurs fois et soudain, boum, il démarre. Donc là, je me dis, maintenant, c’est tranquille, c’est le dernier relais, on va gagner. J’arrive en haut dans la dernière chicane, je sais pas à quoi je pense, je loupe mon freinage, je me sors et je cale le moteur. Là, je me maudis. Il venait de se relancer miraculeusement, j’étais certain que c’était fichu, qu’il n’allait pas repartir et que j’avais foutu notre course en l’air !
Bon… J’actionne le démarreur et il repart sans la moindre hésitation ! Marche arrière, je repars et on gagne la course… » Lorsque la bonne fortune choisit son camp…

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